Fin trentaine, mon médecin est un peu plus jeune que moi. C’est un petit homme sans grâce ni profondeur, moite, bignoclard, un peu boudiné, et sapé avec l’élégance délicate d’un ingénieur informatique. Pourtant bien dodus, ses doigts pâles, à la course impétueuse, volent sur le clavier de l’ordinateur qu’il scrute obstinément tout le long de chaque consultation afin d’éviter mon regard. Réfugié dans mon dossier, je ne doute pas qu’il croie sincèrement pouvoir y puiser des vérités plus salutaires qu’il ne le pourrait en daignant reconnaitre en moi un individu à part entière. Cela étant, il se garde bien de se plier inutilement aux incommodes simagrées de la bonne éducation, et me maintient en mon état de faisceau de symptômes, d’échantillon statistique et, bien sûr, de justificatif à la facturation. Accommodant, robotique, bon garçon et sans malice, mais complètement insouciant de ce qu’il pourrait bien advenir de moi — je m’en contente faute de mieux.
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